Le BILSTEIN lorrain (texte en cours de validation et qui peut encore faire l’objet d’une mise à jour)

Ce château ne doit pas être confondu avec le Bilstein Aubure (ou alsacien) situé au dessus de Riquewihr dans le Haut-Rhin (68). On le retrouve dans certains documents sous l’appellation BILDSTEIN (cf. https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/IA67010314).

Son architecture

Il est situé dans la vallée de Villé au dessus d’Urbeis. Il contrôle donc une importante voie de communication vers Saint-Dié des Vosges et le passage entre l’Alsace et la Lorraine déjà utilisé depuis l’Antiquité. 

Il est bâti sur un promontoire gréseux large d’une vingtaine de mètres et de soixante de long.  Orienté d’est en ouest, il culmine à une altitude de 600 m.  Il est séparé du massif par un ravin, potentiellement créé par les occupants pour se protéger d’éventuels ennemis. 

On accède au château par un escalier relativement étroit (maximum 70 cm) pour arriver directement au rez-de-chaussée du logis seigneurial en pierres lisses de granit avec des chaînes d’angle en pierres à bosses. Cette partie servait probablement de cave ou de logis.

L’architecture est similaire à d’autres châteaux (comme l’Ortenbourg au dessus de Scherwiller), avec une cheminée bien visible au second niveau, entre les deux fenêtres en tiers-point qui donnent sur la vallée.

Au premier palier, on retrouve deux meurtrières à niche. A leurs droites, un mur avec une porte qui permet d’accéder à la citerne (qui comporte un puisard en son centre) puis au donjon en pierres à bosse percé.

La faible superficie du château laisse également penser qu’il n’y avait qu’une petite basse-cour, peut être même inexistante. Les besoins étaient probablement couverts par une (ou plusieurs) ferme(s) aux alentours.

Son histoire

Le Bilstein a eu tout au long de son histoire de multiples rôles, lieu de résidence, forteresse chargée de la défense de l’axe AlsaceLorraine ou encore de protection des mines aux alentours (la mine Théophile est située à 10 minutes à pied du château et reste encore visible aujourd’hui). Il a aussi servi de prison, puis de carrière lors de la Révolution française. Il est classé aux Monuments historiques en 1898 puis en 1930.

Ses origines sont mal connues et de nombreux doutes subsistent quant à sa date de construction. On peut trouver de faux documents qui le citent dès le 11ème siècle et on lui prête la légende d’avoir hébergé la maîtresse de l’oncle du duc de Lorraine, le grand prévôt de Saint-Dié Matthias, un prêtre plus connu pour ses crimes et sa vie indélicate que pour sa piété.

Peut-être bâti par les comtes de Hurningen, avoués de l’abbaye de Honcourt, il est transmis par héritage au comtes de Hohenberg avant d’être acquis par  Rodolphe de Habsbourg (futur roi du Saint Empire) par mariage entre 1250 et 1254 (N. MENGUS).

En 1314 (ou 1315), le prince-évêque de Strasbourg, Jean de Lichtenberg, achète la vallée d’Urbeis aux Habsbourg et cède le château plusieurs fois en fief ou en gage. Il est alors mentionné, malgré la taille réduite de l’ouvrage,  comme dédoublé entre le Bas-château (Niderhaus) aux mains de la famille des Eckerich (ou Echery) puis des Hattstatt en 1329) et le Haut-château (Oberhaus) à la famille Mullenheim (bien engagé par les ducs d’Autriche au banquier Henri de Mullenheim). 

En 1459, le château (Niderhaus) est confié comme récompense aux Marx d’Eckwersheim (par les Habsbourg) alors qu’en 1463, le Haut-château (tour maitresse ou Oberhaus) passe aux mains des Rathsamhausen de la Roche (Zum Stein).

En 1477 (lire également l’annuaire de 1978 de la SHVV sur le siège), à l’occasion de la bataille de Nancy et qui marque la défaite définitive des Bourguignons et la mort du duc Charles le Téméraire, Enguerrand de Nassau est arrêté par quelques seigneurs alsaciens, qui ont remarqué son armure dorée. La ville et le prince-évêque de Strasbourg Ruprecht du Palatinat, suzerains de ce groupe de chevaliers alsaciens, s’étaient entendus pour se partager la rançon. Or Marx d’Eckwersheim les double avec son complice Hans Lembel en enfermant Enguerrand au Bilstein, et engage des négociations avec sa famille (Hans Marx, vassal de l’évêque de Strasbourg, aurait du remettre l’otage à son maître et ne toucher qu’une faible part de la rançon. Pour sa part, Hans Lembel, mercenaire à la solde de la Ville de Strasbourg, aurait du livrer le prisonnier à la Ville sans rien toucher de la rançon).

Enguerrand était lié au Bilstein par les grands-parents de sa épouse, Cymburge de Bade, (Catherine de Lorraine et Jacob de Bade), installés à Saint-Dié et copropriétaires du Bilstein.

Prisonnier, le comte de Nassau est enfermé au Bilstein aux alentours du 5 ou 6 janvier.   Les Strasbourgeois sont vite au courant de la situation et envoient des émissaires pour réclamer le prisonnier. Le 8 janvier, la ville de Strasbourg tente d’imposer au châtelain la garde du prisonnier, même si la rançon devait être payée.

« Nous avons appris que vous avez pris part, en tant que bourgeois de notre cité, à la récente campagne de Lorraine et qu’avec le concours de notre soudoyer Ramberg, et en présence de Lembel, vous avez fait prisonnier le comte de Nassau et que vous l’avez emmené secrètement … ; sous peine de violer votre serment de bourgeoisie, vous ne devez relâcher ce captif sans que nous vous en ayons donné l’autorisation ».

Début mars, le prisonnier se trouve toujours au château et Marx refuse de verser une partie de la rançon, comme le serment l’impose normalement, ainsi que de livrer le comte à la ville. L’évêque et le magistrat décident alors de récupérer leur dû par la force et le 11 mars 1477, 150 miliciens strasbourgeois dirigés par Leonard Ammeister et issus de professions diverses se dirigent vers le château et  l’encerclent, rejoints le 12 par trente à quarante cavaliers sous les ordres de Conrad Riff et Jean de Kageneck.

Le 13 mars des premiers pourparlers ont lieu entre défenseurs et assaillants mais n’aboutissent à rien. Les troupes strasbourgeoises se lancent à l’attaque du château avec l’appui de deux grosses pièces d’artillerie venues de Strasbourg, surnommées le Narr (le « fou ») et le Struss (« l’autruche »). Pour acheminer le second canon, dix-huit chevaux ont été nécessaires. Sur place, des travaux sont réalisés afin d’installer les pièces d’artillerie sous la fortification. Le 16 mars, vingt boulets de pierres sont apportés pour le Struss par trois chariots, ainsi qu’un tonneau de poudre.

En face, les défenseurs font aménager le château afin d’en améliorer la défense.

Le 18 mars, les canons de Strasbourg sont installés et du 19 au 21 mars 1477, ils tirent sans interruption. Dans la nuit du 20 au 21 mars, les défenseurs déclarent que la situation est intenable et engagent le dialogue avec les assiégeants.  Hans Marx est blessé et que la forteresse tend à se disloquer. Désespéré, Zorn déclare selon les rapports :

« Tout ce que votre sagesse vous inspirera, mettez le noir sur le blanc, j’y souscrirais. […] Laissez-nous quitter tous ensemble le château, avec nos affaires personnelles ; nous vous laisserons nos armes, si vous le voulez. […] Quant au prisonnier, on peut craindre pour sa vie, tant la canonnade est redoutable ».

Le discours semble avoir fait son effet auprès des assiégeants et dès le 22 mars, un accord a été conclu. Le château est considérablement endommagé et la possession en est donnée par les Strasbourgeois aux Montjoie, les survivants dont Marx échappent à une condamnation en échange de leur accord lors du traité du 28 mars garantissant la renonciation à la vengeance.

Si le siège du Bilstein est fini, l’avenir du prisonnier n’est pas réglé et le 23 mars 1477, le comte de Nassau est enfermé à Strasbourg dans la tour aux deniers (Pfennigturm), située entre la place des Cordeliers (actuelle place Kléber) et la rue de la Haute Montée. La rançon est finalement fixée par l’évêque de Strasbourg, le magistrat de la ville et le Duc de Lorraine (qui prend part à cet arrangement car la capture a eu lieu sur son territoire) à hauteur de 52 000 florins, devant être versés en quatre mensualités : 10 000 florins fin mai, 16 000 le 13 juin, 13 000 le 15 juillet et le solde le 14 septembre. La ville de Strasbourg récupère 35 000 florins de cette affaire, à la suite d’un arrangement avec les deux autres partis. Strasbourg ss’est ainsi fait payer ses services pour la bataille de Nancy et pour le siège du Bilstein (selon Francis Rapp, la guerre contre le Téméraire avait coûté 150.000 florins à Strasbourg).

En 1478, la propriété du château est remise en cause par les Oberkirch d’Obernai qui possèdent un lettre d’investiture rédigée la même année. Il reste toutefois la propriété des Marx d’Eckwersheim.

En novembre 1479, un nouveau conflit éclate entre la ville de Strasbourg et les seigneurs locaux. Cette opposition prend racine en octobre 1479, lorsque deux gentilshommes, Guillaume Bretschdoerffer et Georges Mulinger sont accueillis au Bilstein par Hans Marx. Les deux individus enlèvent un individu, inconnu dans les sources, sur une route d’empire et l’emmènent au château, probablement en échange d’une rançon.

Le sire de Ribeaupierre convoque alors à Colmar l’assemblée de l’alliance pour la paix publique et cette dernière fait le choix de mener une nouvelle attaque du château afin d’en libérer le prisonnier et punir ses geôliers.

Mais à cause d’un problème lors de l’expédition des ordres (le scribe se serait trompé de date en convoquant les contingents de certaines villes), les Strasbourgeois se présentent seuls devant le château le jour de la Toussaint. L’assaut est donc repoussé au 3 novembre avec l’arrivée des troupes du sire de Ribeaupierre. Mis au courant de l’attaque, Hans Marx, les deux gentilshommes et le prisonnier quittent le château dans la nuit du 2 au 3 novembre afin d’éviter de revivre la situation de 1477. Durant leur fuite, le prisonnier réussit à s’échapper.

Le siège ne fut donc pas nécessaire et une assemblée tenue à Colmar le 15 novembre, puis une autre à Sélestat le 30 novembre, finissent par accorder l’indulgence aux seigneurs qui peuvent garder le château à condition de respecter l’« Urfehde » : la renonciation à se venger.

L’année suivante, Hans Marx est en conflit avec le bailli Anton de Wilsperg, allié au prince-évêque de Strasbourg Guillaume III de Hohnstein. Selon les écrits de Daniel Specklin, ce dernier lui coupe alors les bras lors d’une rencontre à proximité de Dambach, le condamnant ainsi à mort. Cet acte est symbolique, car sur le blason d’Hans Marx, on retrouve deux bras isolés du reste du corps.

Mais avant de mourrir, Marx maudit son ancien ami en faisant appel au jugement divin et déclare selon Daniel Specklin : « Anton de Wilsperg, toi qui ma tant nui, et qui, par la force, ma aussi tranché les mains. Toi qui ne ma pas rendu raison, je te convoque dans la vallée de Josaphatt pour le jugement de notre juge à tous, et je prie le Seigneur de te pardonner ! ». Quelques jours plus tard, lorsque Anton de Wilsperg apprend les mots d’Hans Marx, il se serait écroulé immédiatement, sans vie. Cette histoire n’est cependant pas confirmée, car l’auteur est le seul à en faire mention.

La fin du château

En 1480, le château est encore habité et la partie haute est occupée par Philippe et Jean d’Oberkirch.

En 1543 le château est en ruine, considéré par certains comme maudit à la suite des propos supposément prononcés par Hans Marx au moment de sa mort.

En 1585, les Montjoie (Frohberg) récupères la partie basse du château, jusqu’à la guerre de Trente Ans (1618-1648) puis son attribution aux Choiseul-Meuse après sa fin.

Le château est encore connu et répertorié vers 1730, même si aucune information n’est donnée sur son état à ce moment.

Durant la Révolution française, le Bilstein est vendu comme bien national et va servir de carrière. Lors de la reconstruction de l’église de la commune d’Urbeis en 1789, des pierres du château servent à son édification.

En 1815, le château est en ruine et est vendu par la famille de Choiseul-Meuse. 

En 1885 il appartient à un dénommé Humbert, habitant Lalaye. Ce dernier vend finalement le château l’année suivante. En 1898, l’édifice fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques, sous le statut de ruines.

Afin de consolider les ruines, des travaux sont entrepris en 1964 (ou 1966) dans le cadre de l’Opération Taupe). C’est à l’occasion de cette première série de travaux que les vestiges de la citerne sont découverts. Une nouvelle opération de consolidation des ruines est entreprise durant l’hiver 1995

Sources :

SHVV-Annuaire 1978 – Le siège du Bilstein de F. RAPP

Dictionnaire des châteaux de l’Alsace médiévale de CL SALCH

Châteaux des Vosges et du Jura de G. TRENDEL et H. ULRICH (1969)

Châteaux forts et fortifications médiévales d’Alsace de N. MENGUS

Châteaux forts d’Alsace et drone de N. MENGUS, E.FRITSCH et P. KLIMCZYK (restitution 3D)

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/IA67010314

https://buechereckehofer.buchkatalog.at/die-burgen-des-elsass-9783422074392

https://fr.wikipedia.org/wiki/Château_du_Bilstein_(Bas-Rhin)