Le cimetière des bourgeois, témoin de l’architecture funéraire alsacienne du XIXè siècle
Le « Cimetière des bourgeois », adossé à l’église de Villé est un patrimoine méconnu, témoin de l’architecture funéraire alsacienne du 19è siècle,
L’histoire du lieu reste étroitement liée à celle du sanctuaire consacré à Notre-Dame de l’Assomption. L’ensemble composé de l’église, du cimetière et du presbytère compose l’élément majeur du patrimoine monumental de la commune. Si la date d’occupation du site n’est pas connue, son organisation ancienne est visible sur un plan dessiné vers 1754 qui révèle un cimetière jouxtant le flanc sud du lieu de culte : église et cimetière sont entourés d’un mur et d’un fossé partiellement en eau, un dispositif fréquent en Alsace. A Villé, on estime que ces « fortifications » ont été réalisées au plus tôt au courant du XIIè siècle et au plus tard au XVè siècle.
De plan approximativement triangulaire, le cimetière possédait (et possède encore) en son centre une croix monumentale. L’extrémité ouest était occupée par une galerie sur poteaux adossée au mur de clôture. A l’angle sud-ouest était érigée la chapelle Sainte-Catherine. Lors de la construction de la nouvelle église à partir de 1757, galerie et chapelle sont rasées, le mur de clôture est réduit en hauteur, le fossé est comblé, un conduit est construit afin de drainer les eaux.
Mais ce site était trop modeste pour accueillir à la fois l’ensemble des défunts villois et ceux des villages ne possédant pas leur propre cimetière. Un second cimetière, le Lichtgraben a donc été créé extra-muros, sans doute dès le premier tiers du 18è siècle. Il recevra les sépultures des « manants villois » et celles des paroissiens non-résidents. Afin de distinguer les deux lieux, le premier est appelé « le cimetière des bourgeois ». Ce dispositif a permis de compenser à la fois l’augmentation de la population et la réduction du « cimetière des bourgeois » lors de la reconstruction de l’église. Le cimetière actuel a été inauguré à la fin des années 1880.
Le cimetière des bourgeois a été en usage environ un siècle. La pierre tombale la plus ancienne est datée de 1804, la plus récente de 1913. Sur la croix érigée en 1673, le Christ porte une chevelure partiellement rejetée en arrière et une barbe fournie, les pieds reposent l’un sur l’autre, ossature et musculature sont marquées.
La nécropole recèle des monuments funéraires remarquables de formes et de styles variés, souvent réalisés par des ateliers de Centre-Alsace, de Lorraine quelquefois. Subsistent également quelques rares croix en métal forgé. La plupart de ces monuments ont été érigés à la mémoire de notables (notaires, juges de paix, greffiers, médecins, maires, recteurs, tanneurs, officiers…).
Le cimetière était à l’abandon durant près d’un siècle, des tombes délabrées. Mais grâce à la mobilisation municipale, avec le soutien de la Société d’Histoire de la Vallée de Villé, le site et son mobilier sont inscrits à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques le 12 juillet 1995, une première du genre en Alsace pour un cimetière chrétien. Une importante campagne de restauration a été réalisée en 1998 afin de l’aménager en jardin du souvenir. Le lieu est toujours ouvert.
Quelques monuments
Monument de l’aubergiste Nicolas CUNIN (vers 1818-1874) et de son épouse Madeleine Bauer (1821-1875) réalisé par le sculpteur Germain SICHLER de Sélestat, entouré de l’enclos le plus imposant du site. Sur le socle sculpté, une femme éplorée, assise à côté d’une urne ouverte tient une couronne d’immortelles : une représentation conventionnelle du deuil. Détail inattendu, une souris dont on voit l’arrière-train s’est glissée malicieusement dans une fente de la statue.
Monument de la famille CACCLIN, érigé à la demande du brasseur Joseph CACCLIN et de son épouse Caroline ROHMER en souvenir de leurs enfants morts en bas-âge : Marie, François, Marguerite et Joseph. Sur un monticule de moellons sont sculptés des épis de blé et une liane de houblon qui s’enroule autour d’une pelle et d’un fourquet, des outils de brasseur.
Monument de Jean-Baptiste COLLONEL (1798-1863), également oeuvre de SICHLER. Il est orné d’un trophée évoquant sa carrière de chef d’escadron dans la gendarmerie : la cuirasse, le casque, les épaulettes, le sabre et l’épée, ainsi que de la croix de chevalier de la Légion d’honneur. Il avait notamment participé à la répression lors de la seconde révolte des canuts à Lyon en avril 1834.
Monument d’Aloïse ULRICH (1808-1866) et de son épouse Marie Anne LAMBLA (1811-1879). La stèle est ornée d’un trophée professionnel avec les outils et la production d’un taillandier.
Monument de Jacob WEISS (vers 1769-1836). Sculpté de cartouches ovales ornées de la couronne d’épines et de la croix, il porte sur la partie supérieure des mains tenant un calice. Le défunt a été curé de Villé de 1830 à 1836.
Article rédigé par Lucienne Fahrlaender
Dans les onglets ci-dessous et dans l’ordre, vous pouvez :
- Visualiser le film.
- Lire l’article sur le cimetière bourgeois paru dans l’annuaire de 1998.
- Et regarder les photos .
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